La soirée-débat a comporté deux parties :
- Visionnage du film « Les petits gars de la campagne » qui retrace l’histoire de la P.A.C (politique agricole commune). C’est une politique mise en place à l’échelle de l’Union européenne. À l’origine, elle est fondée principalement sur des mesures de contrôle des prix et de subventionnement, visant à moderniser et développer l’agriculture. Prévue par le traité de Rome du 25 mars 1957 et entrée en vigueur le 30 juillet 1962, la PAC a, depuis, beaucoup évolué. Elle consiste aujourd’hui en deux piliers : le premier pilier, un soutien du marché, des prix et des revenus agricoles, et le second pilier, le développement rural, nommé ainsi en 1999.
- Discussion-débat en présence de 3 producteurs Amapiens du Vallespir: Bettina et Pierre Astrou (intervenant dans le film), producteurs de veau ainsi que Patrick Bricault, producteur d’œufs et une trentaine de participants.
Les agriculteurs invités citent différentes mesures gouvernementales qui ont obligé le territoire agricole français à être découpé en zones bien définies dédiées à des productions non choisies par les paysans. Exemple : arrêt des protéo-oléagineux et culture intensive du maïs pour la nourriture des bovins, plante habituellement produite dans des régions plus chaudes, gourmande en eau en été, période la plus sèche. Elle a été étendue à tout le territoire français au terme d’accords avec les U.S.A dans les années 60 en échange d’importation de leur soja pour nourrir le cheptel.
Autre exemple dans les P.O., région de déprise agricole, a été mis en place dans les années 90 une mesure agro-gouvernementale visant à réintroduire l’élevage des bovins pour lutter contre les incendies avec le nettoyage des broussailles par les animaux. Pierre Astrou explique que ces terrains ni les bovins n’étaient adaptés à cette activité au départ, qu’avec un tout petit élevage comme le sien, et sans les aides de la P.A.C, il aurait dû vendre sa viande 4 fois plus chère.
Les paysans, sont surveillés, très contrôlés, et doivent se justifier constamment pour prouver que leurs pâtures sont éligibles pour toucher les aides.
La pression mise par la P.A.C. est énorme. Hors, sans les aides, les agriculteurs disparaissent.
Un participant objecte que notre alimentation devrait être payée plus chère, que ce système crée une absence de choix et une dépendance, alors qu’il pourrait exister une progression en autonomie à condition de décarboner de l’agriculture.
Patrick (producteur d’œufs) répond qu’effectivement, les prix de vente des produits agricoles ne correspondent pas à la réalité. Toutefois, les aides de la P.A.C sont payées quand même indirectement par le consommateur par les impôts. Mais ce système de dépendance est très dévalorisant. Il favorise les grosses exploitations puisque les D.P.B (droits au paiement de base) sont proportionnelles au nombre d’ha éligibles possédés (valeur de l’ha = entre 20 et 114€). Et ces grosses exploitations obligent à une énorme mécanisation avec endettement à la clé.
Ce système est donc en plus très inégalitaire et favorise une concurrence artificielle entre agriculteurs et une production de plus en plus intensive, avec toujours plus d’intrants. Et cela ferme la porte à l’arrivée de nouveaux paysans sur les estives collectives par peur de perdre de l’argent. C’est un système où le collectif n’est pas favorisé.
Un participant se demande si salarier les agriculteurs ne permettrait pas qu’ils touchent un revenu décent ?
Un système où il y aurait une contractualisation des éleveurs par l’agro-industrie conduirait également ces derniers à perdre complètement leur autonomie et leur pouvoir de décision (type de nourriture donnée aux animaux, quantité de production, prix). En plus il pourrait y avoir perte des savoir-faire et travail à perte.
Et puis, les paysans sont viscéralement attachés à leur liberté.
Quelles solutions alors pour sortir de cet engrenage et pour l’avenir ?
Bettina (éleveuse de bovin avec Pierre) pense que l’exploitation des terres en collectif (élevage, maraichage, cultures de céréales) est une solution intéressante qui permettrait de mutualiser l’outil et la force de travail, avec un revenu décent pour chaque foyer agricole.
Autres solutions : vendre sa production transformée est aussi plus rentable (vendre les fromages, plutôt que le lait par exemple)
Adhérer à une AMAP pour être soutenu par les consom’acteurs et avoir un revenu régulier grâce au système des contrats.
Le système des G.A.E.C, pure innovation française, permet d’obtenir autant de parts que d’agriculteurs jusqu’à 3. Les aides sont donc, pour une même propriété foncière agricole, multipliées par 3. Alors qu’avec d’autres types de sociétés (E.R.L., S.A.R.L.), on considère qu’il n’y a qu’une seule part par exploitation, ce qui réduit la quantité d’aides.
Propos rapportés par Véronique Bathias, secrétaire du conseil collégial de l’Amap les Cerisiers